Sur le flanc ouest du mont Hog's Back.

La blancheur pure d'une journée follement neigeuse et le silence de la marche dans la poudreuse qui étouffe les sons. Une invitation à la contemplation.

Encore un peu de neige et cette balise du sentier sera entièrement recouverte.

Le versant ouest de la montagne semble avoir été moins fréquenté par les raquetteurs, et la neige abondante tombée durant la nuit a complètement dissimulé toutes pistes qu'ils auraient pu avoir laissé. À chaque pas, le pied s'enfonce profondément dans la poudreuse malgré les raquettes. Gravir cette partie de la montagne en hors piste, voilà un bon exercice. Contemplation n'égale pas forcément relaxation!

À l'approche du sommet.

Entre les sommets nord et sud.

Les sommets du mont Hog's Back sont balayés par un vent glacial. Difficile de s'y attarder, et puis la vue bouchée par le blizzard ne donne guère de motifs pour faire la lutte à Éole. Entre les deux sommets, des bouquets d'épinettes fantomatiques offrent une protection salutaire.

Aussi petit soit-il, cet inukshuk est bien commode, dans toute cette blancheur, pour repérer la piste.

Côté est, le sentier semble plus fréquenté et le couvert de neige est moins épais. En général, il vaut peut-être mieux gravir le Hog's Back par là, quitte à passer par le versant ouest lors de la descente du retour!

Piste de lynx.

Le lynx du Canada a de grosses pattes poilues qui lui servent de raquettes et lui permettent de se déplacer sur la neige presque sans s'enfoncer. Mais même les pas feutrés du lynx laissent des empreintes… Et les présentes sont fraîches — vieilles de quelques minutes tout au plus — car on distingue encore parfaitement la forme des coussinets dodus! Tout de même, les chances d'apercevoir un lynx dans la nature sont minces. C'est un animal solitaire et discret.

Un lynx du Canada (lynx canadensis) bien caché.

Les pistes du lynx serpentaient, tantôt s'enfonçant dans la forêt, tantôt revenant sur le sentier de raquette. Je ne cherchais pas à le traquer, mais lui et moi allions malgré tout dans la même direction. Ayant régulièrement croisé sa piste sur presque un demi-kilomètre, j'étais aux aguets, envahi d'un curieux mélange d'excitation et de scepticisme. Au mieux, me disais-je, il allait m'observer passer sans que je le voie.

Pourtant, un sixième sens a attiré mon attention vers une partie plus ombragée de la forêt, derrière un inextricable fouillis de brindilles et de branches enneigées. À l'oeil nu, ça ressemblait à une sorte de souche, à une quinzaine de mètres de distance, mais cette souche avait un petit quelque chose d'anormalement symétrique. C'est seulement quand j'ai regardé à travers le viseur de ma caméra que j'ai pu confirmer, grâce au téléobjectif, que c'était le lynx! Et il m'observait! Et quel regard!

À propos des auteurs

De plus en plus, je m'intéresse aux lieux plus qu'aux paysages. Au-delà de l'attrait esthétique, ce sont les usages évidents ou cachés des lieux, leurs histoires passées ou futures, qui susciteront mon intérêt. Cette étincelle m'est indispensable et explique probablement pourquoi je pratique relativement peu la photographie au quotidien. L'étincelle ne peut s'allumer que lorsque je mets tout le reste de côté pour m'abandonner à la photo, en me laissant porter par le moment présent.

J'ai mille projets photographiques en tête, mais je ne les réalise jamais car une fois le repérage et la réflexion faits, une partie de la motivation est déjà consommée. Je préfère la démarche plus spontanée, où je passe en «mode photo» et me laisse inspirer par ce que je découvre. Ainsi, s'il émerge parfois des ensembles cohérents parmi mes images, ceux-ci s'avèrent le plus souvent accidentels! Je n'ai rien contre l'approche calculée, au contraire j'admire ceux qui la pratiquent, mais ça ne marche pas pour moi, peut-être parce que je dois déjà faire amplement preuve de discipline et de patience dans les sphères professionnelles de ma vie. J'exige de la photographie qu'elle me fasse rompre avec mon quotidien.