La tête du sentier vers Bull Beach, à environ 1 km de la route 7.

Nous sommes en avril, mais en Nouvelle-Écosse l'été commence tard et passe en coup de vent! Ainsi, les parcs provinciaux sont encore fermés, mais on peut tout de même les fréquenter pour profiter de la nature. Il suffit de se préparer à des stationnements et routes fermés ainsi qu'à une absence complète de services. De plus, des sentiers risquent toujours d'être impraticables faute d'entretien depuis l'automne.

Le parc provincial Taylor Head, dans la région Eastern Shore, ne fait pas exception. La route du parc est fermée pour la saison morte, alors nous laissons la voiture à l'entrée du parc, sur la route 7, et marchons. Ce n'est pas plus mal, puisque c'est bien pour la randonnée pédestre que nous sommes venus! Et puis la tranquilité d'un parc fermé est toujours agréable. Tout au plus manquerons-nous sans doute de temps pour atteindre la pointe de la péninsule, car la distance aller-retour serait d'environ 21 km. Nous verrons bien si une randonnée incomplète en vaut quand même la peine!

Taylor Head promet un magnifique condensé de ce que la nature de la région peut offrir : plages de sables ou de galets, géologie et forêts diversifiées, oiseaux côtiers, nombreux points de vues sur la mer, sur des tourbières et sur des marais salés. Certains de ces attraits nous échapperont-ils faute d'atteindre la pointe de la péninsule?

De jolis petits rouleaux se brisent sur Bull Beach.

Le sentier Bull Beach longe une plage de galets.

Il a plu beaucoup dernièrement et le sentier Bull Beach est très inondé. Heureusement, nous avons de bonnes bottes de marche, mais c'est tout de même une course à obstacles où il s'agit de sautiller de roche en roche pour enjamber les énormes flaques d'eau.

Comme la marée est descendante et que le sentier longe la côte de près, nous choisissons par endroits de descendre sur la plage de galets pour marcher.

Algues à marée basse.

Impressionnisme.

Dans l'espoir de pas déranger ces goélands argentés un peu méfiants, nous marchons très lentement sur les galets…

C'est peine perdue, les goélands préfèrent se retirer!

Passerelle salutaire sur le sentier Bull Beach.

Bel endroit pour faire une pause, à Bob Bluff.

Côte ciselée près de Bob Bluff. Au loin, la plage de sable de Pyche Cove.

Balbuzard pêcheur.

Nous avons entendu son cri strident bien avant de l'apercevoir. Ce balbuzard pêcheur, magnifique rapace côtier qu'on ne rencontre pas si souvent, faisait des aller-retours, ramenant du matériel pour la construction d'un énorme nid au sommet d'un arbre sur une île voisine, tout en dialoguant avec un autre individu (hélas trop éloigné pour une photo valable) qui l'observait travailler tout en restant immobile, perché sur la cime d'un arbre dénudé.

Le sentier Bull Beach débouche sur la plage de Pyche Cove.

La magnifique plage de sable fin de Pyche Cove. À n'en pas douter, elle serait plus fréquentée en haute saison!

Sur la plage de Pyche Cove.

Méandres d'un ruisseau se déversant dans la baie Pyche.

Arbres morts en bordure de Powers Pond, un étang dans lequel l'eau salée s'engouffre à marée haute par une petite ouverture sur la mer.

Notre randonnée a été ponctuée d'innombrables arrêts pour contempler le paysage et apprécier les beaux moments, si bien qu'il se fait déjà tard. Tel que pressenti au départ, pas question d'aller jusqu'à l'extrême pointe de Taylor Head! Après le sentier Bull Beach, sur le flanc oriental de la péninsule, nous emprunterons celui de Spry Bay, avant de rentrer par la route qui longe le flanc ouest du parc.

Quelques nouvelles pousses commencent à émerger dans ce marais salé qui sera sans doute verdoyant avant l'été.

Végétation typique des milieux tourbeux.

Cette embarcation décrépite semble avoir été déposée là par des hautes marées.

Sur la lande côtière, les forts vents froids et salins, de même qu'un sol pauvre et acide empêchent une forte croissance des plantes. Ces dernières, pas tout à fait sorties de leur dormance, ont une teinte brunâtre ici rougie par la lumière dorée de fin de journée.

Le tapis spongieux semble vouloir avaler ce bloc erratique.

Roche en forme de cœur émergeant du tapis végétal.

Sur le sentier Spry Bay, une passerelle protège le sol et sa fragile végétation.

Roche ciselée par les éléments, sur Spry Bay.

Des arbustes et arbres un peu plus gros se dressent sur certains îlots forestiers de la lande côtière.

Forêt agrippée aux rochers, sur Spry Bay.

Soleil couchant sur Spry Bay.

Bois de plage.

Le sentier Spry Bay.

Les arbres n'ont pas la vie facile.

Durant les années 1800, alors qu'environ 150 personnes habitaient Taylor Head, les corps de trois marins noyés auraient été retrouvés sur la côte et enterrés ici, établissant le cimetière Newcombe. Il s'agit aujourd'hui du plus ancien vestige de la communauté de Taylor Head.

L'heure bleue sur Spry Bay.

Nous avons fort bien fait d'amorcer la journée par le sentier de Bull Beach et de garder la route pour la fin! Le sentier boueux aurait été pénible à parcourir après le coucher du soleil alors que la route, au contraire, peut aisément être empruntée dans l'obscurité. Nous n'avons eu besoin des lampes frontales que pour le dernier kilomètre. La route était par ailleurs bien plus agréable qu'anticipé, puisqu'une bonne partie du tracé offre une vue sur la mer.

Nous ignorons ce que nous avons manqué en n'atteignant pas l'extrémité de la péninsule de Taylor Head, mais nous rentrons tout à fait émerveillés et comblés. Nous avons pu admirer une grande diversité de milieux naturels, un superbe concentré de ce que la région Eastern Shore peut offrir. Taylor Head, un coup de cœur parmi les parcs de la Nouvelle-Écosse!

À propos des auteurs

De plus en plus, je m'intéresse aux lieux plus qu'aux paysages. Au-delà de l'attrait esthétique, ce sont les usages évidents ou cachés des lieux, leurs histoires passées ou futures, qui susciteront mon intérêt. Cette étincelle m'est indispensable et explique probablement pourquoi je pratique relativement peu la photographie au quotidien. L'étincelle ne peut s'allumer que lorsque je mets tout le reste de côté pour m'abandonner à la photo, en me laissant porter par le moment présent.

J'ai mille projets photographiques en tête, mais je ne les réalise jamais car une fois le repérage et la réflexion faits, une partie de la motivation est déjà consommée. Je préfère la démarche plus spontanée, où je passe en «mode photo» et me laisse inspirer par ce que je découvre. Ainsi, s'il émerge parfois des ensembles cohérents parmi mes images, ceux-ci s'avèrent le plus souvent accidentels! Je n'ai rien contre l'approche calculée, au contraire j'admire ceux qui la pratiquent, mais ça ne marche pas pour moi, peut-être parce que je dois déjà faire amplement preuve de discipline et de patience dans les sphères professionnelles de ma vie. J'exige de la photographie qu'elle me fasse rompre avec mon quotidien.