Coq de race Plymouth Rock.

C’était plein de belles bêtes et de personnes enthousiastes qui adorent leurs animaux, mais visiter une foire agricole m’a mis dans un drôle d’état. J’ai finalement fait très peu de photo et je suis parti tôt; le cœur n’y était plus. C’est certain que si je regardais plus souvent dans les yeux ces animaux qui produisent ce que je mange ou qui finissent eux-mêmes dans l’assiette, je serais végane. Mais il ne doit pas y avoir que cela, sinon il me semble que j’aurais pu me concentrer sur ceux qui s’en sortent mieux, les chevaux par exemple, qui ne naissent pas dans le seul but d’être abattus ou de fournir quelque production après une vie entière confinée à une cage minuscule.

En fait, je crois que ce qui me laisse songeur c’est que les animaux sont entièrement soumis à la volonté de l’humain. Ça ne concerne pas que l’élevage, puisque c’est aussi vrai pour nos animaux de compagnie et pour les animaux «sauvages». L’état sauvage n’existe même plus réellement. L’humain est tellement nombreux et partout, et s’est tellement pris pour Dieu, qu’il doit désormais tout gérer pour essayer de maintenir un semblant d’équilibre naturel. Même l’animal sauvage est contrôlé; on le numérote, on l'élimine ou l’aide à se reproduire, on le déménage, on lui ajoute ou enlève des prédateurs, on le traque avec des GPS et des drones… Notre gestion est bien imparfaite; non seulement n’en savons-nous trop peu pour pouvoir jouer à Dieu correctement, mais la plupart du temps les impératifs productivistes et capitalistes passent en premier.

Dans certaines cultures, les autres espèces – et la Terre elle-même – étaient les égales de l’humain. L’idéologie dominante, aujourd’hui, en est très, très loin.

Il me semble que l’humain façonne un bien bizarre de monde.

Mon but n’est pas de dénigrer les artisans de l’événement ou l’industrie agricole. Je profite de la production agricole tous les jours. Je fais partie du système. Il y a bien d’autres événements qu’il me ferait plus plaisir de critiquer, à commencer par le stupide Grand Prix de la F1 qui se tient à Montréal au moment d'écrire ces lignes… Mais bon, j’ai voulu aller à l’expo agricole par simple curiosité, et c’est venu me chercher sans que je voie venir.

Mon grand-père fut boucher; je me demande à quoi ressembleraient nos discussions s’il était encore là.

Jugement des chevaux dans l'aréna construit en 1913. La foire agricole d'Ormstown est parmi les plus anciennes au Canada.

J’aurais aimé avoir le bon état d’esprit pour rester plus longtemps et admirer les chevaux. Ils étaient absolument sublimes.

Mon grand-père fut boucher, mais il adorait les animaux, surtout les chevaux, sa passion. Je suis certain qu’il aurait plaisir à me faire connaître ses jouals.

À propos des auteurs

De plus en plus, je m'intéresse aux lieux plus qu'aux paysages. Au-delà de l'attrait esthétique, ce sont les usages évidents ou cachés des lieux, leurs histoires passées ou futures, qui susciteront mon intérêt. Cette étincelle m'est indispensable et explique probablement pourquoi je pratique relativement peu la photographie au quotidien. L'étincelle ne peut s'allumer que lorsque je mets tout le reste de côté pour m'abandonner à la photo, en me laissant porter par le moment présent.

J'ai mille projets photographiques en tête, mais je ne les réalise jamais car une fois le repérage et la réflexion faits, une partie de la motivation est déjà consommée. Je préfère la démarche plus spontanée, où je passe en «mode photo» et me laisse inspirer par ce que je découvre. Ainsi, s'il émerge parfois des ensembles cohérents parmi mes images, ceux-ci s'avèrent le plus souvent accidentels! Je n'ai rien contre l'approche calculée, au contraire j'admire ceux qui la pratiquent, mais ça ne marche pas pour moi, peut-être parce que je dois déjà faire amplement preuve de discipline et de patience dans les sphères professionnelles de ma vie. J'exige de la photographie qu'elle me fasse rompre avec mon quotidien.