Le New Hampshire est une destination de plein air très populaire de la côte est américaine. Pour les habitants de la populeuse ville de Boston, deux heures de route suffisent pour une belle évasion dans la nature de la White Mountain National Forest. Les Montréalais, pour qui le trajet ne prend qu'une heure de plus, ne boudent pas l'endroit non plus, particulièrement lors d'un week-end comme celui-ci, prolongé par le congé du 1er juillet (Fête du Canada).
Les terrains de camping rustique de la White Mountain National Forest fonctionnent sous le mode « premier arrivé, premier servi ». Compte tenu de l'important afflux de visiteurs, il était donc un peu risqué de commencer à chercher un endroit où camper après 17 heures, mais c'était pourtant la situation dans laquelle je me trouvais, ayant quitté Montréal un peu tard dans la journée. Après avoir fait le tour de deux sites qui se sont avérés complets, j'ai commencé à m'inquiéter un peu. J'apercevais même dans mon rétroviseur un motocycliste qui suivait le même itinéraire, visiblement à la recherche de la même chose que moi.
Heureusement, au troisième site, Big Rock Campground, j'ai fini par apercevoir un terrain disponible. Je m'y suis arrêté sans hésiter et le motocycliste, qui suivait encore, a dû poursuivre son chemin. Son casque cachait sans doute un visage penaud… Après avoir monté la tente, je me suis dirigé vers la borne de paiement. Tout près de la borne, le motocycliste était en train d'installer une tente minuscule. Il a eu la chance de se trouver aussi un terrain, le dernier encore libre.
Il me restait assez de temps avant le coucher du soleil pour parcourir la Kancamagus Highway, la route 112, qui serpente dans la forêt touffue et qui offre quelques belvédères sur les sommets environnants et des accès à de jolis cours d'eau.
Après ma balade motorisée, je suis rentré au camping, aspirant à une paisible nuit en forêt. Sitôt sorti de la voiture, j'ai commencé à me faire un peu de souci en raison de la proximité de la route, car la Kancamagus Highway, ruban de bitume impeccable ponctué de splendides belvédères, est aussi une destination de choix pour les amateurs de sorties en Harley-Davidson. Les pétarades de leurs bolides résonnaient dans toute la vallée… Heureusement, une heure après le coucher de soleil les motards avaient cessé de circuler. Ce sont plutôt mes voisins, certainement les plus bruyants de tout le camping, qui troublaient le calme de la forêt.
Même si les sites du Big Rock Campground sont bien isolés les uns des autres, quand les voisins parlent comme des ogres et rient comme des baleines, il n'y a pas grand chose qu'on puisse faire entre les murs d'une tente…
À 7h20 j'étais déjà dans le sentier, au début d'une boucle longue de 14,3 km débutant par un tronçon appelé « Falling Waters », franchissant successivement les sommets des monts Little Haystack, Lincoln et Lafayette, sur la « Franconia Ridge Trail », puis descendant par le sentier « Old Bridle Path ». La dénivelation est d'un peu moins de 1200 mètres.
Il ne m'a fallu que quelques minutes de marche pour comprendre pourquoi j'étais venu ici. Le stress de la ville, les Harley-Davidson de la veille, les ogres et les baleines, tout ça était déjà oublié. Sur le sentier, on se recentre, on ne pense plus à rien, on vit le moment présent. La fraîcheur du matin était délicieuse.
Sur presque toute la première moitié de l'ascension, le sentier côtoie des cascades et des chutes particulièrement féériques dans la lumière matinale. Tantôt le sentier remonte à la gauche du ruisseau, tantôt à sa droite, de sorte qu'à plusieurs reprises on doit traverser le même cours d'eau à gué, en bondissant d'un rocher à l'autre. Comme si les traceurs du sentier avaient laissé libre cours à leur espièglerie. Et ça fonctionne! L'ascension paraît plus facile et légère, et un grand sourire se dessine inévitablement sur les visages.
À mi-chemin en direction du mont Little Haystack, le sentier quitte définitivement la compagnie du cours d'eau et de son murmure. Dès lors, on commence à ressentir un peu plus la difficulté de l'ascension.
Plus loin, près de la limite des arbres, j'ai croisé un groupe de Québécois qui reprenaient leur souffle (le miens, je le reprends souvent en prenant des photos!). Nous nous sommes entendus sur le fait que l'Acropole des Draveurs, un sentier de la région de Charlevoix réputé pour sa pente abrupte, n'était pas grand chose en comparaison. Ici, la montée est tout aussi constante, mais le trajet plus long et la dénivelation plus élevée.
L'érosion n'aidant pas l'affaire, la surface même du sentier est un enchevêtrement de roches et de racines qui donne l'impression d'un interminable escalier aux marches irrégulières et tordues qui aurait été conçu par un charpentier démoniaque.
Depuis le sommet du mont Little Haystack, on distingue parfaitement le sentier qui parcourt la crête jusqu'au prochain sommet, le mont Lincoln.
Baignant dans un soleil chaud qui tapait fort sur le terrain complètement exposé, j'ai longuement paressé au sommet du mont Little Haystack, comme si la randonnée était presque finie… Le mont Lincoln paraissait si proche! Pourtant, son ascension est assez abrupte par endroits et s'étire sur plus d'un kilomètre. Je n'étais encore qu'au tiers de la randonnée!
Ce sentier est très populaire, et avec raison puisque la vue dégagée à 360° est spectaculaire. J'estime à quelques centaines, 300 peut-être, le nombre de randonneurs ayant fait l'ascension par cette journée ensoleillée. Néanmoins, les grands espaces font qu'on n'a jamais l'impression d'être si nombreux.