Ville frontalière, Mae Sot est un important pôle de commerce entre la Thaïlande et le Myanmar. La ville, si elle est petite, ne manque pourtant pas de vivacité et d'intérêt! Thaïs, Birmans, Karens et Chinois s'y mêlent et les marchés sont grouillants d'activité. Au détour d'une petite rue, on peut tomber sur un temple bouddhiste d'influence birmane, thaïe ou chinoise, sur une mosquée ou même sur une église chrétienne. Une variété rafraîchissante par rapport à l'uniformité culturelle des régions centrales de Thaïlande.
Juché à une hauteur de 300 mètres, le chedi du Wat Doi Hin Kiu surplombe la vallée de la rivière Moei et le Myanmar. Le rocher sur lequel il est perché paraît être en équilibre précaire au faîte de la falaise.
Témoins des fréquentes sautes d'humeur des diplomaties thaïe et birmane ainsi que des occasionnels échanges de feu entre les deux pays, de nombreux postes militaires, abris en sacs de sable, barricades, cabanes munies de meurtrières et contrôles routiers parsèment les chemins longeant la frontière. En route pour le Wat Doi Hin Kiu, j'ai négocié le passage des contrôles à l'aide de simples salutations, sauf au dernier contrôle à franchir avant le temple, où le garde m'a fait promettre de rentrer avant 18 heures. C'est seulement à 17h58 que je suis finalement repassé!
En longeant la frontière, on croirait presque voyager dans le temps — ou voyager au Myanmar, ce qui revient au même… On croise très peu de véhicules et les paysans vivent dans des maisons guère plus luxueuses que des cages à poules, souvent sans électricité. À la brunante, c'est à la lueur de bougies que les fidèles priaient aux pieds d'un bouddha du Wat Doi Hin Kiu.
Autour des temples de Mae Sot, on remarque un plus grand nombre de mendiants qu'ailleurs en Thaïlande, sans doute des victimes du régime oppressif régnant au Myanmar. Parmi ceux-ci, on rencontre souvent des amputés ou des femmes avec leurs enfants. Certaines femmes envoient leur enfant au-devant des touristes pour dire un seul mot en tendant la main: « money ». D'autres enfants venant quémander paraissent orphelins, mais qu'ils le soient ou non laisse troublé.
En fin de journée, un homme m'a interpelé sur la rue. Il s'est présenté comme un Birman et a entrepris de me raconter sa vie, tout un baratin dont je n'aurais pu faire la part du vrai et du faux. S'il avait besoin d'aide, il n'avait pas à raconter tout ça! Il parlait assez bien l'anglais, comme ça semble parfois le cas au Myanmar, ancienne colonie britannique. Lorsqu'il s'est dit affamé, je lui ai offert un repas et curieusement il a choisi le Bai Fern, mon resto préféré en ville! En retour, il m'a offert un semblant de pierre précieuse du Myanmar, que j'ai refusé; cette pierre lui serait peut-être utile à un autre moment difficile… Chose certaine, il connaissait un peu trop bien Mae Sot pour y être tout juste arrivé tel qu'il l'affirmait. Évidemment, pensais-je, c'est humiliant pour quelqu'un d'admettre qu'il n'est qu'un mendiant; il préfèrera raconter un malheur récent. Et sans doute l'homme était-il bien conscient des vertus de se déclarer d'entrée comme un Birman, puisque tout le monde sait que le peuple birman est dans la merde et a besoin d'aide… Tout le monde? Mmmh, pas si sûr! Il me vint à l'esprit ce jeune couple qui venait d'arriver à la guest house. La fille lisait sur une affiche mentionnant les « Do's & Don't's » de la Thaïlande: « Do not show affection between sexes in public ». Toute étonnée, elle a lu la phrase à voix haute à l'intention de son compagnon, comme s'il s'agissait d'un scoop! C'est sidérant de constater que des gens choisissent de visiter un pays aussi différent du leur sans prendre la moindre peine de s'éduquer un peu sur la culture locale. Dans le cas du comportement des couples en public — une mise en garde d'ailleurs faite dans tous les guides touristiques — à tout le moins ils auraient dû s'en rendre compte en observant les Thaïs, et ce bien avant d'arriver dans ce coin relativement reculé qu'est Mae Sot! À croire que certains font le tour du monde les yeux fermés.
Quoi qu'il en soit, après le repas j'ai salué et laissé seul le mendiant, en me disant qu'à plus long terme le repas offert ne lui serait malheureusement pas d'un grand secours.
Dans les marchés thaïlandais, aux apparences souvent chaotiques, les commerçants accordent pourtant toujours une attention particulière à la disposition de leur marchandise.