Sur la rivière des Outaouais, à bord du traversier en direction de Quyon (Québec).

Après Montréal–Kingston et Kingston–Ottawa, ceci est le troisième tronçon d'une boucle d'environ 1 100 kilomètres chevauchant le Québec et l'Ontario, pour la plupart sur des pistes cyclables, qu'Isabelle et moi avons décidé de parcourir à vélo. Un itinéraire devant nous conduire successivement à Kingston (via le canal de Soulanges et la Waterfront Trail), Ottawa (via les sentiers K&P et Cataraqui), Wakefield (via le parc de la Gatineau), Mont-Laurier (en partie via la véloroute des Draveurs), puis Montréal (via le P'tit train du nord).

En remontant la vallée de la rivière Gatineau, nous serons en quelque sorte sur les traces des draveurs. L'industrie forestière a longtemps été le moteur économique de la région. À partir du début du 19e siècle, on abattait les arbres l'hiver — à l'origine le pin puis, plus tard, d'autres essences comme l'érable, le chêne et l'épinette — et dès le printemps on utilisait la rivière pour le transport des billots jusqu'aux usines de sciage et de papier situées en aval. Jusqu'à la dernière drave, en 1991, ce sont les draveurs, ces hommes intrépides qui travaillaient sur la rivière, qui relancaient dans le courant les billots échoués et défaisaient les blocages.

Mais à partir du moment où nous atteindrons la véloroute des Draveurs, nous serons en même temps sur les traces des cheminots ! En effet, la piste cyclable suit le tracé d'une ancienne voie ferroviaire qui remontait la vallée de la Gatineau jusqu'à Maniwaki. Complété en 1904, le chemin de fer de la Ottawa & Gatineau Valley Railroad Company fut abandonné en 1986 et le tronçon Wakefield–Maniwaki démantelé. Un train touristique, tracté par une locomotive à vapeur de 1907, fut opéré pendant quelques étés entre Gatineau et Wakefield, mais après que des pluies diluviennes aient endommagé la voie, en 2011, celui-ci n'a jamais été remis en service. Quant à la véloroute des Draveurs, il s'agit d'un tronçon de 72 km, reliant Low et Maniwaki, qui a été converti en piste cyclable.

À Quyon, un village qui semble avoir connu des jours meilleurs.

Mini-maison.

À Quyon.

Une dame très accueillante et un brin courageuse a récemment acheté et remis en état ce restaurant de Quyon où nous avons déjeuné.

Rencontre du troisième type.

Un bref arrêt au dépanneur avant de quitter la route 148 par le chemin Eardley-Masham pour rejoindre le parc de la Gatineau.

Vue sur le lac Renaud, dans le parc de la Gatineau.

Un chevreuil peu farouche, dans le parc de la Gatineau.

Un sentier de vélo de montagne. Tous ne sont pas aussi plats que celui-ci !

Le parc de la Gatineau est un paradis du vélo de montagne, sillonné de sentiers cyclables où l'on peut s'organiser de très beaux circuits, mais les informations en ligne n'étaient pas si claires sur la nature des sentiers. Une fois sur place, nous nous sommes trouvés être les seuls fous à les emprunter avec des vélos chargés de bagages… Dans le même genre d'aventure, nous avons eu un peu d'entraînement sur le sentier Cataraqui, mais ici la topographie est nettement plus accidentée !

Au cœur du paradis, l'enfer des moustiques ! Bien sûr, en juin au Québec ou en Ontario il faut s'attendre à subir leur présence, mais ils ont pourtant été extraordinairement absents depuis notre départ de Montréal, et cela même dans les secteurs plus sauvages du sentier Cataraqui. Notre arrivée dans le parc de la Gatineau a clairement signifié l'entrée dans un autre écosystème, puisque les moustiques se sont immédiatement pointés en nombre et avec une voracité dignes de la forêt boréale ! Lorsqu'on roule, ça va. Lorsqu'on s'arrête, c'est l'assaut !

Gîte Les trois érables.

Nous n'avons pas campé dans le parc de la Gatineau mais choisi un gîte ultra confortable et accueillant dans le village de Wakefield pour les deux prochaines nuits. Cette décision n'a rien à voir avec les moustiques : ce sont plutôt les forts orages attendus qui nous ont convaincus. Et puis nous aimons bien prendre une petite pause de pédalage et/ou de camping de temps à autre; la dernière était à Kingston.

Distance parcourue, jour 1 : 47 km.

Distance parcourue, jour 2 : 0 km !

Sur la route 105.

Le Siskin.

Sur notre trajet, les traces des draveurs ne sont pas très apparentes. Pour le cycliste en transit, le témoignage le plus manifeste de leur passage est peut-être ce bateau, le Siskin, exposé sur le bord de la route 105 dans le village de Low. Ce remorqueur datant de 1955 tirait des bômes — sortes d'estacades flottantes retenant des billes de bois — pouvant contenir jusqu'à l'équivalent de 3 000 cordes de bois.

C'est d'ailleurs un peu en aval de Low et du Siskin que nous avons enfin pu quitter la route 105 et nous engager sur la véloroute des Draveurs.

Sur la véloroute des Draveurs. La surface en poussière de pierre est parfois « molle », mais le paysage ondulé fort agréable.

Les orages des derniers jours ont engendré quelques obstacles sur la piste cyclable…

La vieille gare de Venosta (1900) ne semble faire l'objet d'aucun effort sérieux pour la préserver.

Sur le bord de la rivière Gatineau, au camping Pionnier de Gracefield.

Distance parcourue, jour 3 : 62 km.

Le pont du chemin de Point Comfort, qui enjambe la rivière Gatineau.

Hélas pour nous qui arrivons trop tôt en saison — mais sûrement au plus grand bonheur des cyclistes qui viendront plus tard — la véloroute est en cours d'asphaltage entre Gracefield et Blue Sea. Les travaux sont majeurs, impossible de passer ! Comme il y a pas mal de camionnage sur la route 105 voisine, à la première occasion nous la quittons pour les routes moins fréquentées de l'autre rive de la rivière Gatineau.

Un vieux tracteur, devant le pont Marois (1933).

Nous nous étions approchés d'un vieux tracteur paraissant semi-abandonné à côté d'un pont couvert désaffecté lorsqu'un homme a quitté la maison la plus proche avec sa voiture, avant de s'immobiliser sur la route juste à côté de nous. « Bon, il va nous dire qu'on est sur son terrain et qu'il faut partir », me disais-je, habitué de me faire interpeller dans mes explorations photographiques…

Il s'avéra que le tracteur et le pont étaient bien chez lui, mais il venait seulement chercher quelque chose sur le pont, qui lui sert de hangar… Il nous a même invité à poursuivre notre exploration, tout en nous donnant plein d'informations sur l'histoire du lieu ! Son père avait jadis une ferme tout près du pont, mais après un incendie il s'est établi plus loin et la route a été déplacée. Si le pont couvert a échappé à la démolition, après sa désaffection dans les années 1960, c'est parce qu'il a été racheté et est ainsi devenu privé. Quant au tracteur, il est vieux d'environ 80 ans. C'est un McCormick-Deering WD-6, un modèle diesel et essence plus rare que le W-4, à l'essence seulement. Et encore fonctionnel, bricolé avec des batteries pour faciliter le démarrage !

La nature prend ses aises autour du pont désaffecté.

Une maison avec pas vraiment de vue sur la rivière Gatineau.

Nombreuses sont les granges de la région ainsi construites, à partir de billots montés pièce sur pièce.

Le bain des bovins.

Vers, sangsues, propane, feux d'artifice, moulée à chevreuil, loterie, bronzage, manucure… Une belle offre de produits et services.

Près de Déléage.

Le moulin des Pères, à Aumond.

Camping à Aumond.

Encore une fois, nous sommes un peu trop tôt dans la saison. Le petit terrain de camping municipal de Aumond n'est pas ouvert. Nous nous sommes tout de même servis dans les tables à pique-nique et avons planté notre tente pour la nuit.

Distance parcourue, jour 4 : 64,2 km.

En direction de Mont-Laurier par la route 107. Pas exactement le bout le plus intéressant du voyage.

La centrale hydroélectrique de Mont-Laurier (1937).

La gare de Mont-Laurier (1909), point de départ du P'tit train du nord.

C'est à Mont-Laurier que nous retrouvons les traces des cheminots ! En effet, c'est ici que débute le parc linéaire Le P'tit train du nord, une ancienne voie ferrée — décidément, les compagnies ferroviaires ont eu la vie dure — aujourd'hui convertie en piste cyclable. Le tracé de plus de 232 km permet de rejoindre Bois-des-Filion.

Le lac des Écorces, l'un des nombreux lacs côtoyés par le P'tit train du nord.

Au milieu des marais.

De Mont-Laurier à Labelle, une section de plus de 90 km, le P'tit train du nord offre le confort d'une surface asphaltée. Le reste du tracé est généralement en poussière de pierre, mais très bien entretenu.

Affiché sur le garage du camping Au boisé du village : « Notre devise : vivre sans bruits [sic] ».

Nous avons de la visite ce soir : mon père, qui a parcouru le P'tit train du nord dans la direction opposée. Nous nous sommes rejoints sur la piste et rêvions d'un bon souper dans l'un des restaurants de Nominingue… Toujours à vélo, nous avons fait le tour des tables du coin sans succès : toutes fermées, à l'exception du casse-croûte. Eh oui, trop tôt dans la saison. Nous aurions dû nous en douter. Avant la Saint-Jean-Baptiste, point de salut ! Nous avons donc retrouvé le même menu de hot-dog, burger et poutine qu'on voit dans tous les villages. Pas exactement ce dont nous rêvions, mais sans le casse-croûte il ne nous restait plus que le dépanneur…

Curieusement, nous n'avons jamais eu de difficultés à trouver de bonnes tables de l'autre côté de la rivière des Outaouais, en Ontario. La plupart du temps, nous y avons même très bien mangé, et toutes sortes de cuisines. Peut-être parce qu'il y avait de plus grandes localités sur notre itinéraire ? Vivement plus de diversité alimentaire dans les régions du Québec !

Distance parcourue, jour 5 : 102,7 km.

L'enseigne du restaurant Legault, à Rivière-Rouge.

Un chevreuil garde l'œil sur nous, pendant que son petit gambade sur la piste du P'tit train du nord.

Exploitation minière.

Exploitation forestière.

Sur la piste du P'tit train du nord, près de Sainte-Agathe-des-Monts.

Au motel.

À Val-David, nous avons opté pour une nuit au motel, encore une fois pour éviter de camper sous la pluie. Mais avant d'aller dormir, nous avons, cette fois-ci, profité d'une table merveilleuse au restaurant L'Épicurieux. Une cuisine authentique, saine et savoureuse. Après tant de casse-croûtes depuis notre traversée de la rivière des Outaouais, c'était absolument jouissif !

Distance parcourue, jour 6 : 105,4 km.

Sur la piste du P'tit train du nord, près de Val-Morin.

Le jour suivant, nous ne nous sommes pas beaucoup attardés en chemin. Le temps était pluvieux et des amis nous recevaient chez eux, à Mirabel. Allez !

Distance parcourue, jour 7 : 64,1 km.

Des hauteurs de Sainte-Thérèse, les gratte-ciel du centre-ville de Montréal et le mont Royal apparaissent à l'horizon. Notre destination est proche !

Distance parcourue, jour 8 : 55,6 km.

À propos des auteurs

De plus en plus, je m'intéresse aux lieux plus qu'aux paysages. Au-delà de l'attrait esthétique, ce sont les usages évidents ou cachés des lieux, leurs histoires passées ou futures, qui susciteront mon intérêt. Cette étincelle m'est indispensable et explique probablement pourquoi je pratique relativement peu la photographie au quotidien. L'étincelle ne peut s'allumer que lorsque je mets tout le reste de côté pour m'abandonner à la photo, en me laissant porter par le moment présent.

J'ai mille projets photographiques en tête, mais je ne les réalise jamais car une fois le repérage et la réflexion faits, une partie de la motivation est déjà consommée. Je préfère la démarche plus spontanée, où je passe en «mode photo» et me laisse inspirer par ce que je découvre. Ainsi, s'il émerge parfois des ensembles cohérents parmi mes images, ceux-ci s'avèrent le plus souvent accidentels! Je n'ai rien contre l'approche calculée, au contraire j'admire ceux qui la pratiquent, mais ça ne marche pas pour moi, peut-être parce que je dois déjà faire amplement preuve de discipline et de patience dans les sphères professionnelles de ma vie. J'exige de la photographie qu'elle me fasse rompre avec mon quotidien.