Arrivée à la descente de canot, au fond de la baie Dorval.

Jour 1

Nous y voici! Notre première expédition de canot-camping. Nous avons souvent fait de petites sorties en canot, Isa et moi, mais ceci est notre première devant durer plusieurs jours. Pourquoi avoir mis tant de temps avant d'essayer ce type d'expérience? Aucune idée!

Jamais auparavant ne nous sommes nous posé la moindre question quant aux techniques de canotage, puisque dans toutes nos sorties en canot nous ne nous sommes pratiquement jamais heurtés à d'autres conditions qu'une belle journée sans vent ou presque! Or, partir plusieurs jours signifie que les conditions météorologiques ne pourront pas toujours être idéales.

Avant de nous engager dans cette aventure, nous avons donc consulté un peu la théorie (merci, YouTube), et c'est aujourd'hui que nous mettrons en pratique ce que nous avons appris sur le maniement de l'aviron.

Premiers coups d'aviron dans la baie Dorval, avec nos bagages à bord.

Nous constatons bien vite qu'en pratique, notre technique n'est pas du tout au point! Nos mouvements ne sont ni très bien synchronisés, ni très constants. Et notre cap plus changeant que nécessaire…

Il y a un bon vent du nord-ouest, mais heureusement la baie Dorval est parfaitement bien abritée, ce qui facilite quelques expérimentations.

Pour nous diriger vers notre destination, dans l'archipel du Sandy Portage, nous devons néanmoins contourner une presqu'île très exposée au vent. Là, les vagues sont nettement plus impressionnantes et l'appareil photo reste sagement rangé dans son sac étanche!

La rive face à notre île, au crépuscule.

Le choix d'un lac et d'un parcours sans portage adoucit grandement notre initiation au canot-camping. Mais le lac Kipawa est impressionnant. Un immense plan d'eau irrégulier de plus de 300 km2, avec d'innombrables baies, îles et presqu'îles. En plus d'offrir des contours invitant à l'exploration, ces dernières offrent souvent des aires relativement protégées du vent et des vagues.

La théorie nous invitait à consulter souvent notre carte topo et à nous orienter constamment sur le lac, sans jamais attendre d'être égarés pour le faire. Nous avons suivi ce conseil de sorte que, aidés par un destin pardonnant toutes nos maladresses de canoteurs incompétents, nous avons bel et bien accosté sur l'île voulue!

Feu de camp au clair de lune.

Voisine de l'île aux Fraises (la plus grande des environs), notre île est dans l'archipel du Sandy Portage et fait partie du Parc national d'Opémican. Bien que les parcs nationaux offrent souvent de beaux emplacements de camping rustique, celui-ci nous propose le rêve ultime : une île à nous seuls!

Si nous avions des voisins, les plus proches seraient à environ 1 km, sur une autre île. Nous sommes passés par là en chemin; elle était inoccupée.

Cache-cache parmi les cèdres de notre île.

Jour 2

Les météorologues avaient déjà annoncé des conditions exécrables pour notre seconde journée, avec des bourrasques de 50 km/h à partir du milieu d'avant-midi, suivies d'orages violents en après-midi. Une brise matinale particulièrement fraîche semble nous signaler qu'ils ne se seront pas trompés; nous décidons de ne pas mettre le canot à l'eau aujourd'hui.

Plongeon huard (immature), de passage devant notre île.

Le paysage est magnifique, la nature envoûtante. La faune ne paraît pas particulièrement active dans nos environs immédiats, mais nous pouvons tout de même entendre les cris de huards dialoguant au loin, ceux de volées de bernaches ayant déjà entrepris leur migration vers le sud et, juste au-dessus de nos têtes, ceux de mésanges très jacasseuses.

Les moustiques sont totalement absents. Une bonne raison de choisir septembre pour fréquenter la région du Témiscamingue!

Nous ne manquons de rien, nous avons assurément plus de bouffe que nécessaire pour les prochains jours et notre campement est confortable, avec sa grande toile-abri en cas de pluie et des chaises pliantes fort confortables (un achat récent, et déjà nous n'arrivons déjà plus à comprendre comment nous avons pu camper toutes ces années sans ces chaises!)

Bref, la perspective d'être coincés sur notre île dès le jour 2 ne nous contrarie nullement. En fait, la météo nous donne un parfait prétexte pour paresser!

Pluie.

Vers 15h, la pluie s'intensifie et nous nous réfugions sous la tente. Nous en ressortons à peine 30 minutes plus tard, le temps de démanteler la toile-abri que le fort vent menace d'emporter.

C'est confortablement installés sous la tente, bien au sec, que nous laisserons passer les 14 heures suivantes de pluies torrentielles et d'orages violents. Isa s'était téléchargé un peu de lecture sur son téléphone avant le voyage; bien anticipé car le signal cellulaire déjà très faible et intermittent sur notre île ne rentre plus du tout par ce mauvais temps.

Le calme après la tempête.

Jour 3

Pour notre séjour de canot-camping au lac Kipawa, nous avions prévu deux scénarios entre lesquels trancher une fois sur place :

  • Plan A, l'évasion pantouflarde : établir un campement fixe dans les îles du Sandy Portage et explorer les alentours.
  • Plan B, l'expédition itinérante : déménager notre campement certains jours pour aller plus loin sur le lac, suivant en bonne partie un parcours connu.

Or, défaire et refaire le campement et tout paqueter, cela prend du temps; nous avons pu mieux le mesurer au jour 1. Plus de temps, par exemple, qu'en longue randonnée pédestre, où toutes nos possessions tiennent dans un seul sac à dos!

Mais surtout, nous nous sentons trop bien sur notre île. Nous choisissons le plan A!

Une belle paroi rocheuse de notre île, située à environ 500 mètres de notre campement.

Au début du 20e siècle, la construction de barrages tels que celui de la ville de Témiscaming a fait monter le niveau de l'eau, de sorte qu'aujourd'hui on aperçoit partout de vieilles souches entièrement ou partiellement submergées. Le réservoir Kipawa est en réalité un amalgame de plusieurs plans d'eau qui se sont confondus en un seul avec la montée des eaux.

Notre technique est déjà grandement améliorée. Sans bagages et sans destination obligée, nous nous sommes bien exercés tout en explorant une petite partie du lac.

Désormais, nous nous coordonnons mieux et les coups en J, les coups en C, les appels, les écarts n'ont plus de secrets. Nous savons avancer tout en gardant bien le cap et, pour nous amuser, faisons faire au canot des 360° stationnaires et des déplacements latéraux, sans changer nos avirons de bord.

Rien de bien compliqué. Un minimum de pratique, c'est ce qu'il nous fallait!

Notre campement vu depuis le canot.

Sur notre île.

La rive d'en face.

Notre île offre une vue imprenable sur les couchers de soleil.

Matin brumeux.

Jour 4

Les matins se suivent et ne se ressemblent pas!

Souche émergeant de l'eau, 7h50.

Souche émergeant de l'eau, 9h25.

Pause sur une île.

Il est plaisant de canoter, mais ce que j'aime le plus c'est de pouvoir facilement débarquer pratiquement n'importe où!

Pause sur une plage naturelle.

Cet oiseau, un grand chevalier, est venu sur la plage à la recherche de petits crustacés.

Kayakiste au loin.

Fin de journée tranquille sur notre île.

Aiguilles de pin.

Pin blanc.

Avec leurs concentrations exceptionnelles de pins blancs et rouges, les rives et îles enchanteresses du lac Kipawa donnent une impression de dépaysement, comme si nous étions en voyage à l'extérieur du Québec.

La lune au crépuscule.

La rive d'en face.

Exploration d'une baie du lac Kipawa.

Jour 5

À force d'explorer les environs de notre île, nous avons désormais plusieurs repères et une grande facilité à nous orienter. Le lac, malgré son étendue, nous paraît moins intimidant, même si chaque jour nous allons découvrir de nouveaux secteurs.

Pause sur une berge très accueillante.

Les pins du lac Kipawa.

La température est estivale mais, parmi les pins, les cèdres et les épinettes, un rare feuillu jauni rappelle que l'automne est à nos portes.

Notre canot au repos.

Bateau à moteur.

Si la plupart des rives du lac Kipawa sont sauvages, on y trouve tout de même des chalets et des camps de pêche. Le lac est immense, alors les embarcations sont équipées de moteurs puissants. Néanmoins, depuis notre île nous avons vu passer à peine deux ou trois bateaux à moteur par jour.

Cabane sur une île.

Jour 6

C'est déjà la fin de notre périple de canot-camping, mais nous nous sentons comblés et surtout privilégiés d'avoir pu jouir d'un lieu aussi exceptionnel et de vivre ces moments de communion avec la nature.

Le canot permet d'explorer et d'apprécier autrement le territoire, tout en douceur. Une expérience à renouveler, peut-être la prochaine fois en expédition itinérante!

À propos des auteurs

De plus en plus, je m'intéresse aux lieux plus qu'aux paysages. Au-delà de l'attrait esthétique, ce sont les usages évidents ou cachés des lieux, leurs histoires passées ou futures, qui susciteront mon intérêt. Cette étincelle m'est indispensable et explique probablement pourquoi je pratique relativement peu la photographie au quotidien. L'étincelle ne peut s'allumer que lorsque je mets tout le reste de côté pour m'abandonner à la photo, en me laissant porter par le moment présent.

J'ai mille projets photographiques en tête, mais je ne les réalise jamais car une fois le repérage et la réflexion faits, une partie de la motivation est déjà consommée. Je préfère la démarche plus spontanée, où je passe en «mode photo» et me laisse inspirer par ce que je découvre. Ainsi, s'il émerge parfois des ensembles cohérents parmi mes images, ceux-ci s'avèrent le plus souvent accidentels! Je n'ai rien contre l'approche calculée, au contraire j'admire ceux qui la pratiquent, mais ça ne marche pas pour moi, peut-être parce que je dois déjà faire amplement preuve de discipline et de patience dans les sphères professionnelles de ma vie. J'exige de la photographie qu'elle me fasse rompre avec mon quotidien.