Les dernières crues printanière furent les plus importantes des 30 dernières années en raison de fortes précipitations. En juin, le niveau du fleuve Saint-Laurent est encore très élevé.

Montréal–Kingston est le premier tronçon d'une boucle d'environ 1 100 kilomètres chevauchant le Québec et l'Ontario, pour la plupart sur des pistes cyclables, qu'Isabelle et moi avons décidé de parcourir à vélo. Un itinéraire devant nous conduire successivement à Kingston (via le canal de Soulanges et la Waterfront Trail), Ottawa (via les sentiers K&P et Cataraqui), Wakefield (via le parc de la Gatineau), Mont-Laurier (en partie via la véloroute des Draveurs), puis Montréal (via le P'tit train du nord).

Pont ferroviaire au-dessus du canal de Soulanges.

Inauguré en 1899, le canal de Soulanges fut aménagé pour contourner des rapides impétueux du Saint-Laurent, entre les lacs Saint-Louis et Saint-François. Ce canal d’une longueur de 23 km fut abandonné en 1959, suite à l'ouverture de la Voie maritime du Saint-Laurent, qui permet le passage de plus gros navires.

Aujourd’hui, le canal de Soulanges n’est plus navigable, mais une piste cyclable a été aménagée sur toute sa longueur.

Pause dans un parc voisin du quai de Coteau Landing.

Île à l'embouchure du canal de Soulanges.

Dans la municipalité des Coteaux, la piste cyclable s'éloigne du Saint-Laurent et emprunte un bandeau de verdure qui longe l'autoroute 20.

Camping « sauvage » dans un parc urbain.

Au camping Tepee, à Saint-Zotique, il n'y avait personne au bureau d'accueil et un responsable peu sympathique au téléphone a refusé que nous y campions, nous raccrochant au nez avant que nous puissions connaître les raisons de sa rebuffade… Le choix du nom de « tepee » paraît bien peu judicieux, puisqu'on semble y préférer nettement les roulottes aux tentes!

De toute façon, les installations paraissaient ridiculement délabrées. Comme il était un peu tard pour chercher un autre endroit et rouler quelques dizaines de kilomètres supplémentaires, nous avons discrètement monté la tente dans un coin peu visible du parc des Étangs. Avec toilette propre à proximité!

Toutefois la nuit ne fut pas des plus reposantes. Non seulement l'autoroute 20, toute proche, est une source de bruit incessant, mais jusqu'aux environ de minuit, des jeunes flânant dans le boisé d'à côté faisaient tout un tapage.

Espérons que cette première nuit de camping ne soit pas représentative du reste de notre périple!

Bilan du jour 1 : 85 km.

Cabanes longeant le quai de South Glengarry.

Observation d'une grande aigrette depuis une cache de la zone de conservation Cooper Marsh.

Le parc Lamoureux, à Cornwall.

L'ambitieux projet Waterfront Trail, toujours en développement, consiste à offrir au cycliste la possibilité de remonter le fleuve Saint-Laurent à partir de la frontière du Québec et de l'Ontario, puis à longer les lacs Ontario, Érié et Huron, jusqu'à Sault Ste. Marie, soit une bagatelle de 2 100 kilomètres passant notamment par les villes de Kingston, Toronto, Niagara et Windsor. Tous les segments de la piste cyclable ne sont pas de la même qualité, mais de Cornwall à Morrisburg, la voie cyclable est presque entièrement en site propre plutôt que sur l'accotement de la route. Sur cette quarantaine de kilomètres, le parcours cyclable en compagnie du fleuve Saint-Laurent est paisible et magnifique.

Waterfront Trail.

Parc Guindon.

Lost Villages Museum.

Lost Villages Museum.

Le musée Lost Villages cherche à préserver la mémoire et certains artéfacts des villages aujourd'hui disparus de Mille Roches, Moulinette, Wales, Dickinson's Landing, Farran's Point et Aultsville, de même que de plusieurs autres communautés englouties vers la fin des années 1950. En effet, le développement de l'hydroélectricité et l'aménagement de la voie maritime ont profondément modifié le niveau du Saint-Laurent dans cette région, forçant le déplacement de plus de 6 500 personnes dans deux nouvelles agglomérations, Ingleside et Long Sault.

Lost Villages Museum.

Camping Mille Roches.

Au camping Mille Roches, situé sur la première île atteinte par le chemin de Long Sault, la plupart des terrains au bord de l'eau sont vraiment trop pentus pour dormir confortablement dans une tente! Heureusement, pas un seul de la centaine de sites de l'île Snetsigner n'était occupé, nous laissant l'embarras du choix.

Une île pour nous seuls au milieu du Saint-Laurent, contexte de rêve pour racheter la nuit précédente!

Bilan du jour 2 : 80 km.

Le chemin de Long Sault est une route tranquille qui relie un chapelet d'îles du Saint-Laurent.

Un ancien bureau d'accueil à l'entrée ouest du chemin de Long Sault sert désormais de support pour une carte.

Une ancienne voie ferrée divisant les eaux a laissé place à une piste cyclable, sur un segment particulièrement agréable de la Waterfront Trail.

La piste cyclable traverse aussi un site verdoyant voué à la protection des oiseaux migrateurs.

Lieu historique national du Canada de la Bataille-de-la-Ferme-Crysler.

L'une des belles demeures de Lakeshore Drive, à Morrisburg.

« La prière, l'ultime connexion sans fil. »

Maison sur une route secondaire, près d'Iroquois.

Le pont international Ogdensburg–Prescott, qui enjambe le Saint-Laurent pour relier Ogdensburg, New York à Johnstown, Ontario.

Bilan du jour 3 : 73 km.

Murale dans la ville de Prescott.

En attendant le petit déjeuner, dans un restaurant suranné de Prescott.

Lieu historique national du Fort-Wellington.

Fenêtre de la chapelle de Blue Church (1845).

Le parc de Brown's Bay.

Les semaines exceptionnellement pluvieuses qui ont précédé notre départ de Montréal laissaient craindre une météo exécrable pour notre voyage, mais depuis le début de notre aventure c'est plutôt un soleil radieux qui se présente chaque jour. La seule difficulté : un fort vent de face qui ne relâche pas! Nos pauses-repos sont de plus en plus fréquentes à mesure que la journée avance.

Nous avons tout de même atteint le centre d'accueil du parc national des Mille-Îles, près duquel nous avons squatté pour la nuit, puisque tous les terrains de camping officiels du parc se trouvent en fait sur des îles accessibles seulement par bateau. Un squat de luxe, puisqu'une douche normalement réservée aux locataires des chalets rustiques voisins était déverrouillée pour notre plus grand bonheur.

Bilan du jour 4 : 58 km.

Les propriétaires de cette maison semblent avoir eu bien de la chance qu'elle ne soit pas emportée par les fortes crues du printemps.

L'entrée de la tour de l'horloge de Gananoque (1903).

Après 5 jours à affronter un vent de face, notre arrivée à Kingston sera l'occasion d'une pause bien méritée!

Bilan du jour 5 : 66 km.

Rue Earl, Kingston.

Rue King E., Kingston.

La douve de la tour Murney (1846), l'une des 14 tours Martello construites au Canada par les Britanniques entre 1796 et 1847 – quatre d'entre elles érigées à Kingston – dans le but de défendre la frontière avec les États-Unis.

Sur le campus de l'université Queen's, institution fondée en 1841.

Le dôme de l'édifice de la Cour supérieure de justice de l'Ontario à Kingston.

La tour Shoal (1847), l'une des quatre tours Martello de Kingston, vue depuis l'intérieur de l'hôtel de ville.

La tour Shoal, la marina et l'hôtel de ville. Paraissant presque sortir des eaux, la tour protégeait le port de Kingston.

Si l'hôtel de ville de Kingston (1844) en impose tant, c'est qu'il devait à l'origine être le siège du gouvernement de la province du Canada (ou Canada-Uni). En effet, Kingston avait été choisie comme première capitale de la colonie britannique en raison de sa position idéale entre ses deux plus grandes villes, Montréal et Toronto. Pourtant, l'année d'achèvement de sa construction marque aussi le déménagement de la capitale à Montréal… Après d'autres déménagements à Toronto et à Québec, c'est avec l'établissement de la Confédération canadienne en 1867 que le gouvernement s'installe finalement à Ottawa.

Pendant longtemps, les locaux sont bien trop vastes pour les besoins du gouvernement municipal. D'ailleurs, en 1850 la petite ville de Kingston ne compte pas encore 12 000 habitants! On y installe alors un marché public, les quartiers généraux de la police, une petite prison et, à travers le temps, une panoplie de locataires : bureau de poste, douanes, franc-maçons, théâtre, banque, église…

Conservé au Musée pénitentiaire du Canada, ce tableau servait au décompte des prisonniers bien avant l'avènement des systèmes informatisés.

Kingston est la capitale canadienne des prisons. Durant les années 1841-1844, tous les condamnés reconnus coupables de crimes graves dans la colonie britannique étaient envoyés au pénitencier de Kingston. Plusieurs autres prisons furent établies par la suite dans les environs dont, en 1934, une prison à sécurité maximale pour femmes. Au fil du temps, différentes approches de « réforme » des détenus furent pratiquées à Kingston, pas toujours avec des résultats très glorieux. Au pénitencier de Kingston, les cellules faisaient à l'origine 0,6 m sur 2 m – à peine l'espace d'une couchette! – et une discipline stricte et violente était exercée. Même si les pratiques furent adoucies à partir des années 1930, les citoyens de Kingston se souviennent encore des émeutes de 1954 et de 1971, qui ont impliqué des centaines de détenus et causé des morts et des prises d'otages en plus de destructions significatives. Le pénitencier a finalement fermé ses portes en 2013, après 178 ans d'activité.

Depuis le 19e siècle, les prisons jouent un rôle économique important dans la région. Encore aujourd'hui, c'est à Kingston qu'on trouve la plus grande concentration d'établissements du Service correctionnel du Canada.

Il est désormais possible de visiter l'ancien pénitencier de Kingston, de même que l'ancienne résidence du directeur, maintenant occupée par le Musée pénitentiaire du Canada. Une façon de découvrir un monde étonnant et, par définition, un peu fermé!

Cette boîte de la taille d'un petit cercueil était un véritable appareil de torture : entre 1847 et 1849, on y enfermait les détenus sanctionnés pour des périodes variant entre 15 minutes et 9 heures.

Un amas d'armes artisanales confisquées aux détenus du pénitencier de Kingston entre 2004 et 2008.

Le Musée pénitentiaire du Canada permet, entre autres, de découvrir le génie des détenus dans l'élaboration de stratégies d'évasion et dans la fabrication d'armes – dont une incroyable arbalète faite de brosses à dents, testée par le personnel de la prison après sa saisie et qui l'ont trouvée très précise! Dans un environnement violent, c'est souvent avec un dessein de dissuasion ou d'autodéfense que ces armes étaient confectionnées.

La façade du pénitencier de Kingston.

Après Kingston, en route vers Ottawa !

À propos des auteurs

De plus en plus, je m'intéresse aux lieux plus qu'aux paysages. Au-delà de l'attrait esthétique, ce sont les usages évidents ou cachés des lieux, leurs histoires passées ou futures, qui susciteront mon intérêt. Cette étincelle m'est indispensable et explique probablement pourquoi je pratique relativement peu la photographie au quotidien. L'étincelle ne peut s'allumer que lorsque je mets tout le reste de côté pour m'abandonner à la photo, en me laissant porter par le moment présent.

J'ai mille projets photographiques en tête, mais je ne les réalise jamais car une fois le repérage et la réflexion faits, une partie de la motivation est déjà consommée. Je préfère la démarche plus spontanée, où je passe en «mode photo» et me laisse inspirer par ce que je découvre. Ainsi, s'il émerge parfois des ensembles cohérents parmi mes images, ceux-ci s'avèrent le plus souvent accidentels! Je n'ai rien contre l'approche calculée, au contraire j'admire ceux qui la pratiquent, mais ça ne marche pas pour moi, peut-être parce que je dois déjà faire amplement preuve de discipline et de patience dans les sphères professionnelles de ma vie. J'exige de la photographie qu'elle me fasse rompre avec mon quotidien.